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 HOT CHILI

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epice

epice


Nombre de messages : 18
Date d'inscription : 13/05/2011

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MessageSujet: HOT CHILI   HOT CHILI Icon_minitimeMer 1 Juin - 3:36

Titre: HOT CHILI

Résumé: Pour une histoire de chili con carne, il va complètement bouleverser sa vie. Cela concerne-t-il Red Kellin, chanteur charismatique des Beat'ONE, groupe iconoclaste de rock en perte de popularité ou plutôt Dean Lebanc, simple designer graphique, s'étant trompé de vocation de l'avis général ?

Claimer: j'ai toujours rêvé de "disclaim" quelque chose, mais franchement, qu'est-ce qu'on en a à battre que ces personnages soient à moi, rien qu'à moi? Ce qui implique que je peux en disposer comme la reine-sama que je suis pour eux! je vous les prêterais donc volontiers.

Note: ma première LONGUE fic sur ce forum yay! (il était peut-être temps que je m'active et comme j'ai encore et toujours le réflexe fictionpress... j'en ai d'autres qui rament encore, disons qui avancent relativement lentement, mais avancent.)
c'est ma dernière fiction en date et curieusement je suis dans ma période "proliférative" pour celle-ci. Il s'agit de ma première fic ayant fait son "coming out" lol. j'ai voulu voir ce que mon imagination débridée (et non débordante) pourrait pondre en matière de yaoi. A vous de juger.
L'histoire n'a pas de chapitres à proprement parler. C'est juste un énorme pavé. mais pour des soucis de clarté, de "postage" et de lecture façon "light", je l'ai fractionnée. Il se pourrait donc que les "chapitres" finissent sur un "cliffhanger" avec un deus ex machina, ou de la façon la plus banale possible, les aventures de "no suspens" au pays du calme plat, quoi (Zut! cette remarque dessert mon "œuvre" plus qu'autre chose!).
_____________________________________
j'ai du mal avec la mise en forme...
HOT CHILI 577670


Dernière édition par epice le Mer 1 Juin - 4:04, édité 1 fois
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epice

epice


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Date d'inscription : 13/05/2011

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MessageSujet: HOT CHILI CHAPTER 1   HOT CHILI Icon_minitimeMer 1 Juin - 4:01


HOT CHILI
CHAPTER 1


— Il a encore craqué ! fit la voix de Korgan.

— C’est pas vrai, faut te calmer Red. Ça devient maladif.

Jay leva la tête de ce qu’il faisait, pour poser son regard sur le chanteur, avachi dans un canapé, la mine sombre, en train de fixer son portable.

— Qu’est-ce que j’y peux moi. Mais c’est mort de toute façon. Il n’est pas du bon côté.

— Depuis quand le fait qu’il soit hétéro compte pour toi ? intervint la voix de Jeff, le bassiste.

— Tu sais bien que c’est pas la raison. Raconte-lui.

Le chanteur foudroya Korgan du regard. Il avait toujours beau savoir que le guitariste s’amusait à ses dépens, le voir autant enthousiaste rajoutait une couche à son amertume. Il avait flashé sur lui, comme à chaque fois. Et comme à chaque fois, il l’avait pris en photo à son insu. Comme à chaque fois il s’était jeté à l’eau, enfin, il s’était plutôt jeté sur lui et comme à chaque fois, il s’était fait rabrouer. Enfin non, pas comme à chaque fois. La presse avait été là à ce moment et s’était dépêchée d’immortaliser la scène. Lui, poussant le jeune homme avec un sourire lubrique dans l’ascenseur et lui mettant la main aux fesses juste avant la fermeture des portes. Les enregistrements de vidéos surveillance avaient été réquisitionnés, l’évitant sûrement de faire les choux gras de people magazine pour peu qu’il y ait fuite. Le jeune homme l’avait violemment repoussé et il n’avait pas insisté.

La honte ? Non, il ne la connaissait pas. Il vivait de scandale et personne ne serait surpris, choqué certes, mais pas surpris. Tout le monde savait que Red Kellin était un chaud bouillant. Quand il voulait quelque chose, il la prenait, même s’il ne l’obtenait pas forcément. En l’occurrence, c’était quelqu’un.

Le problème ici, c’est que la victime, un jeune groom de l’hôtel dans lequel son groupe séjournait, avait menacé de porter plainte pour harcèlement sexuel. Il s’en était tiré heureusement avec quelques excuses et une interdiction de l’approcher à moins de cent mètres. Pour clore le chapitre à sa manière en gentleman, il avait envoyé des places d’un concert déjà solde-out au jeune homme en s’assurant que sa place assise était bien situé à 100 mètres de la scène.

Et là, il déprimait maintenant. La place lui était revenue avec un mot : « I hate Fag !*1». Quel gâchis, un si beau jeune-homme, hétéro, et comme si ça ne lui suffisait pas, homophobe.

Il soupira de résignation. Il re-soupira, aucunement motivé pour la suite.

— Red, bouges-toi le cul et passe-moi cette porte ! commença le leader de la bande (Jay en avait marre de ses sautes d’humeur qui empiétaient inévitablement sur leur travail, ils avaient la dernière chanson de leur album à enregistrer, ce n’était pas son amour à sens unique qui remettrait tout au lendemain). Ethan…

— J’emmerde Ethan, c’est pas lui que je veux ! je veux Laurent !

— Laurent ?

— C’est le prénom du groom, mais t’étais où au fait pendant l’affaire ? lança Korgan à Jeff.

— Y a tellement de frasques sur lui que (Korgan fit une grimace qui indiquait clairement « c’est l’hôpital qui se fout de la charité ! ») je ne prends plus la peine de m’y intéresser. Je suppose qu’il était blond ? Le mètre quatre-vingts ou le mètre soixante ?

— Entre les deux, lâcha Red, amorphe.

— Putain les gars, il nous reste moins d’une semaine avant de rentrer là, vous croyez que c’est le moment ?

— Je déprime, tu peux respecter ça ! lança le chanteur à son batteur (il aimait se vautrer dans son désarroi tout son saoul, album ou pas, ce devait-être un bon coup potentiel qu’il venait de perdre et il avait les yeux si bleus…).

— Red !

— Je vais faire un tour !

Il se leva, prit sa veste et ses clés et claqua la porte du studio.

— Mais…

Jay en perdit son latin. Il n’eut même pas la force de crier quand il le retrouva (le dit « latin ») et se contenta de donner un coup de pied dans un caisson à outils en se levant. Jeff haussa les épaules et Korgan fronça les sourcils à l’attention de Jay.

— Tu sais que quand il est comme ça, faut pas le brusquer !

— Mais merde, j’en ai marre de cautionner son caractère puéril de midinette. S’il ne fait pas plus preuve de professionnalisme, je ne donne plus cher de sa peau. On a des contrats à respecter bordel !

— Ce n’est pas en le criant à nous, que ça va faire avancer les choses, reprit nonchalamment le bassiste.

Jay le regarda, abasourdi. Évidemment, il n’en avait rien à foutre de cet album depuis le début. Comme si ça ne l’intéressait plus depuis que monsieur était l’égérie de « Kanon » homme, une marque de parfum, et qu’il avait signé pour jouer dans un film, une adaptation tant attendue du best-seller de Katy Prank. Il avait remarqué que depuis un bout de temps, Jeff prenait tout avec nonchalance, de la chose la plus insignifiante, à la plus importante. Il ne réalisait même pas que s’ils couraient derrière le temps pour boucler le présent album, c’était à cause de son agenda surchargé et de sa manager, une lilliputienne indienne survoltée au curry qui rendait leur vie difficile depuis un moment.

Korgan fronça à nouveau les sourcils face à la mine presque haineuse qu’affichait le visage de son leader à l’encontre de Jeff. Le bassiste aussi le remarqua. Sans faire mine de s’en formaliser, il déplia ses longues jambes avec grâce, se détacha de son fauteuil, prit à son tour sa veste et lança un salut aux techniciens présents dans le studio. Il avait déjà enregistré sa partie, son absence ne ralentirait personne.

Avant de sortir néanmoins, il se tourna vers Jay.

— Appelle ta fille Jet. Dit lui que je lui apporte plein de cadeaux.

La mine du leader se rembrunit de plus belle, mais la colère sous-jacente sembla s’étioler.

— Ce n’était pas comme ça au temps de Brent, marmonna-t-il dans sa barbe.
Jeff eu un moment d’arrêt vers la poignée, accusa le coup puis claqua la porte avec violence, indiquant par ce geste que la remarque ne lui avait pas échappée. Jay se mordit la lèvre inférieure de culpabilité. Ils étaient tous sur les nerfs avec Ethan sur leur dos qui s’était permis de prendre des engagements en leur nom sans demander leur avis ; et puis c’était vrai, il n’avait pas eu sa fille depuis un bout de temps. Il se laissa tomber dans sa chaise et décréta une pose. Personne ne se fit prier ; l’atmosphère commençait à être de plomb.

Le studio fermait à dix-huit heures et demie. Il ne leur restait que trois jours de location et si Red ne revenait pas à temps, ils n’auraient pas fini dans les délais. Il ne pouvait se permettre de prolonger la réservation. Un autre groupe avait déjà été prévu, du genre, qui ne lésinait pas sur les moyens et pouvait se les permettre.

Le groupe Beat’ONE était en perte de popularité, du moins, si on excluait la popularité scabreuse du chanteur et celle non moins sulfureuse du bassiste. Si le premier était un fervent partisan de la provoc’, le second était un homme à femmes invétéré. Le statut d’homme marié du lead guitare et celui de père relativement model du batteur ne sauvait même pas la moitié des meubles en matière d’opinion publique.

Une bonne partie de ce public qui s’était détourné peu à peu face aux caprices de star de l’actuel chanteur, mais surtout parce que Red, n’était pas Brent.

Brent Scott.

Brent, l’ancien chanteur charismatique et leader de Beat’ONE, le premier, celui qui, avec son jeune frère Jeff, avait monté le groupe : Jet dit Jay à la batterie, un copain de promo, et Korgan à la guitar, contacté par le biais d’un casting. Le hissant petit à petit du statut indé du monde underground très restreint et codifié, à celui de major très fermé et très marketing à son gout, il s’était assuré d’asseoir une certaine suprématie sur le milieu underground et un bon filon de fans du bouche à oreille avant de se lancer dans la grande commercialisation tout en gardant une grande part d’indépendance. Un exploit. Pendant quatre an, le son marchait, le business fleurissait lentement mais sûrement. Sa mort précoce à 26 ans, lors d’un accident de moto, un jour d’orage, n’y avait pas mis fin, au contraire. Cela avait galvanisé les foules qui avaient accouru pour soutenir le groupe en deuil et qui n’avait pas trop perdu de temps pour trouver un autre chanteur. Au risque de se faire détester. Mais difficile de détester Red. Du moins à ses débuts.

Il avait quatre ans de moins que le précédent chanteur, et était le plus jeune de la bande de deux ans. Mais même s’il ne possédait pas le même coffre vocal que Brent, il avait une signature vocale intrigante, intéressante et unique. Du genre qui vous rendait une chanson lancinante, qui vous l’accrochait dans la tête à la première écoute, qui vous enivrait pour peu que l’on soit réceptif. Ça ne se limitait pas à cela. Il avait un flow, un débit de parole ahurissant, et avait ajouté une autre guitare à la formation. Et le style musical de Beat’ONE s’était vu changer, lentement mais sûrement, jusqu’à le devenir radicalement.

Si de nombreux fans avaient décroché, d’autres, des nouveaux, avaient accroché. Et si de nombreux avançaient cette dénaturation musicale de Beat’ONE comme raison d’abandon, ce n’était toutefois qu’une demie-vérité. Pendant un an ce fut la période faste. La dégringolade débuta réellement deux ans plus tard, après que l’orientation sexuelle du chanteur fut jetée en pâture à la presse qui s’en fit une montagne d’informations, d’évènements et de spéculations corsés voire choquantes.

Red qui assumait parfaitement, décida, comme une vengeance personnelle d’abreuver la presse de toutes déclarations et actions inconvenantes, à la limite du graveleux. Se targuant que les véritables fans n’avaient rien à faire de sa vie, ni de qui ou quoi il aimait tant qu’il leur offrait du bon son. « Qui m’écoute m’aime. Qui m’aime, m’entend ! » était devenu sa ligne directive. Mais le bateau coulait.

Leur nouveau producteur, Ethan Bosco un charmant homme de la cinquantaine, véritable requin des affaires, peut-être mélomane à ses heures perdues (de cela Beat’ONE en doutait), avait réussi à leur éviter que le navire ne chavire. Il avait limité les entrées d’eau. Mais ses réparations n’étaient que temporaires, le temps qu’il s’enrichisse encore plus qu’il ne l’était et encre le groupe de façon presque définitive à son port avec moult contrats signés et une somme colossale à débourser si le groupe avait des velléités de prendre le large.

Le bassiste, cofondateur du groupe s’était mis au mannequina. Placardant son beau visage et ses longues jambes dans tous les panneaux publicitaires de la ville et s’intéressant de plus en plus au septième art. Le public le voyait comme d’autant de signes de la fin. Il avait réussi d’une main de maître à éviter que Bosco ait la totale main mise sur ses revenus de ce côté-là (même si le leader actuel restait sceptique, se demandant si Jeff et Ethan n’avaient pas des intérêts communs, vu la nonchalance avec laquelle il prenait la situation).

D’autre part, le groupe dans le besoin financier, s’était lancé dans la course marketing pour faire du commercial, du vendeur, du tape à l’œil avec les frasques de Red et celles de jeff qui n’en déméritait pas moins, chacun sur un plateau de la balance hétéro/homo. En quatre ans, les deux « belles gueules » du groupe semblaient être à eux seuls, représentatifs de ce dernier. Inutile de parler des tensions internes, envenimées par Ethan qui ne se gênait pas pour montrer son favoritisme envers Red, tandis que tous les moyens étaient bon pour acheter la loyauté de Jeff. Ce que, par contre, tout le monde au sein de Beat’ONE feignait d’ignorer.

Leur dernière tournée remontait à deux ans, et dans ce laps de temps, ils avaient enchainé quatre albums et en était au cinquième. Ce dernier, était le troisième album dont Beat’ONE n’avait pas écrit la totalité des paroles, comme ç’avait toujours été le cas.

De nombreux artistes le faisaient. C’était normal. C’était d’ailleurs pour ça que la profession de parolier existait. Ethan ne s’était donc pas gêné pour leur imposer les siens, des amis en quête de notoriété, des gens qui partageaient avec lui un intérêt commun, à qui il devait un service, ou à qui il voulait accorder une faveur. Red, qui s’était rebellé au début, avait fini par ranger ses crocs, capitulant au pied du mur. Il avait réussi à placer trois ou quatre chansons de son cru dans ces albums et la spéculation allait bon train que c’était au prix de quelques faveurs charnelles avec Bosco. Il n’avait pas voulu « contrarier » les spéculateurs en démentant, de son dit.


Dix-huit heures quinze. Fermeture dans un quart d’heure. Red débarqua enfin, des effluves éthyliques dans son sillage et le précédant. Une pommette rehaussée d’un hématome et un sourire agar aux lèvres. Il ouvrit la porte du studio, la claqua avec maladresse. Pénétra d’un pas mal assuré dans la section anti acouphène, décrocha le micro, plaça ses écouteurs pour le retour du son et frappa sur la vitre pour peut-être attirer l’attention qu’il avait déjà depuis le début. Il parla.

Il avait du mal à articuler, mais les autres comprenaient. Tous ceux présents dans la salle, jeff excepté, la mine d’abord perplexe puis courroucée, comprirent la même chose. « Je ne la ferais qu’une fois, vu que ça ferme de toute façon, faites votre boulot ». Red fit le geste habituel qui déclenchait l’envoie de la musique et hésitant, un des techniciens le lança, non sans avoir jeté un coup d’œil inquiétant au leader du groupe.

Et il chanta. Une improvisation, du moins c’est ce que certains comprirent ; les plus pragmatiques se firent la réflexion qu’il avait écrit deux chansons pour une seule composition, et il chantait celle dont il avait envie, qui était à des lieux de la première version.

Sans un couac, malgré son taux d’alcoolémie non nul dans le sang. Sans essoufflement. D’une traite comme il l’avait dit, une seule et dernière prise.

Korgan eut un sourire en coin. Au moins les fans – et il fallait être très fan – qui achèteraient le CD n’auront pas l’impression d’avoir jeté leur argent avec cette piste symbolique. La seule digne de ce nom. De celle qui n’entraine pas un agacement sans bornes lorsqu’on l’a dans la tête. La seule que l’on mettra en boucle pour oublier les dix autres pistes. La voix de Red pouvait être classée comme arme de torture psychologique selon les circonstances.

Red ouvrit la porte, regarda tout le monde dans les yeux et leur sourit. Ne pouvant tenir droit, il s’avachit dans un fauteuil près de la porte.

— Qu’est ce qui t’est arrivé ? demanda Jay à la vue des hématomes (Red n’avait pas l’alcool violent habituellement).

— Qu’est-ce que tu as fait Andy ? souffla Korgan avec une pointe d’inquiétude.

Le regard du chanteur ne lui disait rien de bon. Red écarquilla les yeux. Ça faisait un bout de temps qu’on ne l’avait plus appelé comme ça. Quatre ans. Il eut un sourire tendre pour Korgan. Dommage qu’il ne soit pas blond, qu’il soit marié à l’actrice de la série la plus en vogue du moment, Sacha Nuttingham, ne lui posait aucun problème.

— Je plaque Beat’ONE ; c’était mon cadeau d’adieu.

— QUOI ?

— C’est stupide Red ! fit la voix de Jeff à la porte (Red sursauta, il ne l’avait pas entendu). Ethan, ne te laissera pas…

— J’emmerde Ethan, le coupa-t-il avec irritation. Ah t’es pas au courant ? j’en sais des suffisamment compromettant sur lui. Et même si cela me concerne aussi jusqu’au cou, contrairement à lui, moi je n’ai pas peur de couler. Qu’est-ce qu’une frasque choquante de plus ou de moins pour Red des Beat’ONE ? Oh pardon, des ex-Beat’ONE. La nouvelle de mon retrait fera une parfaite « éclipse solaire » pour les autres scandales.

Il s’arrêta un moment, comme s’il digérait lui-même cette annonce, tandis que les autres la digéraient vraiment. Il avait réellement eu une relation avec Ethan ? Red fronça les sourcils.

— Par contre désolé les gars. Vous êtes dans la merde jusqu’au cou, si vous lâchez vous aussi, il va s’assurer personnellement que vous passiez par la case tôle. J’ai pas pu le bâillonner pour vous avec ce que j’avais, désolé. Je croyais que ça aurait suffi. J’ai dû oublier des paramètres. Faut avouer que c’est un véreux ce trou duc’.

Jeff siffla, Jay pencha la tête en arrière et éclata d’un rire tonitruant. Korgan se contenant de remuer la tête.

— Sale petit con, t’aurais pu me dire que t’allais lui défoncer la gueule, c’est énervant de ne pas être de la partie.

— T’as pensé à ce qu’on dira de Sacha, si on découvre que son cher et tendre mari est violent ? Lisez les journaux demain. J’ai hâte de voir ce qu’il dira.

— Il va sortir qu’il t’a viré pour agression ! fit Jeff.

— Bah, ouais, c’est ce que je lui ai dit de mettre. De toute les façons je me suis assuré de me faire filmer, y avait de la dinde.

« De la dinde ». Une façon singulière et typique du chanteur de désigner les paparazzis.

— Ciao les mecs, c’était sympa. Je rentre.

— Arrête ton char du gland ! Tu ne quitteras Beat’ONE que le jour de ta mort ou quand t’aura réussi à faire virer Jeff gay, lança Jay.

Le bassiste frissonna. Il s’approcha néanmoins du chanteur, et l’aida à se relever.

— Tu ne prends pas le volant dans cet état, je te ramène.

— Si j’ai pu chanter sans aucun problème, je vois pas pourquoi conduire m’en poserait un…

— C’est bon d’avoir fait des études Red tu sais. Tu n’as pas besoin de ta vigilance pour chanter. C’est une seconde nature chez toi. Par contre pour conduire si. Tu veux aussi donner dans le scandale de conduite en état d’ébriété ?

— Je t’emmerde.

— C’est bien ce que je me disais. Je le ramène les gars. On est fatigué ; on en discute demain.

— Nan, ça a trop duré. Et le petit a eu raison (Jay aimait insister sur le jeune âge, pas si jeune que ça, du chanteur). Si Brent pouvait revenir, il me foutrait une raclée pour avoir fait de son Bébé cette putain qui écarte les pieds au bon vouloir d’Ethan.

— Elle est dure cette comparaison, Korgan et quelques gens présents firent la grimace.

— Mais c’est la vérité, assena Jay.

En le disant, il regardait Jeff dans les yeux. Jeff qui peinait à maintenir Red debout.

— Et puis, on en est là, à faire face à une seconde crise énorme du groupe. Un chanteur qui plaque son micro, tu trouves pas qu’on est tombé bien bas ? Y a des groupes qui sont là depuis des décennies, avec la même formation. On n’a même pas pu tenir huit ans complets. C’est pathétique. Personne ne part, on part ensemble. On boucle l’album demain et on va régler son problème à Ethan.

— C’est pas Ethan le problème, lâcha Jeff dans un souffle. C’est nous. On s’est perdu. En chemin ou sur le bord de la route ou que sais-je mais on s’est perdu. Lâcher Ethan ne résoudra rien si on ne veut plus nous investir pour notre Bébé comme tu dis. Je le ramène chez lui et on en discute demain quand il aura décuvé.

L’aparté se termina sur ces notes. Le futur de Beat’ONE était plus qu’incertain. Prit dans la toile complexe des obligations de contrats, de la démotivation de certains, du ras le bol général, du rejet de certains fans, du manque d’inspiration et de l’envie de se battre, du scandale et de la curiosité malsaine de paparazzis. Mais n’était-ce pas là, une routine pour tout groupe de rock major ?


* * *

Une routine, devenue accablante, lourde, pesante et dégradante. Il ne savait plus combien de temps il tiendrait encore. Il en avait marre et c’était un euphémisme. Il prit un oreiller et enfouit sa tête dessous quand un bruit sourd retentit contre le mur. Sa mère avait encore passé sa colère contre un objet et c’est le mur qui en faisait les frais. Tant que ce n’était que le mur…

Mais elle ne s’arrêterait pas là. Elle ne serait satisfaite que si elle lui faisait du mal. La violence verbale ne lui suffisait plus. Il arrivait qu’elle s’en prenne physiquement à lui. Et son père ne ripostait pas, ne réagissait même pas. Une femme qui te foutait des claques, des baffes magistrales, des coups de poing ou te balançait tout ce qui lui passait par la main de moins lourd qu’une casserole, et toi tu ne voulais pas divorcer d’elle.

C’était quoi le prétexte de ce masochisme ? Il l’aimait trop et pouvait donc lui pardonner, il avait bon cœur, le coup de la joue gauche tendue alors que la droite brulait à cause de la première gifle reçue ?

Non. Il savait que ça n’en était rien. Il connaissait assez son père pour savoir que si celui-ci se pliait, courbait le dos sous les coups et la violence, c’était pour une raison précise. Et il détestait son père pour ça. Il le détestait de plus en plus de jour en jour et il redoutait le moment où il le haïrait. Il n’était plus un bébé. Il était suffisamment grand pour savoir que sa mère avait une autre liaison, suffisamment pour savoir qu’elle ne voulait pas endosser le rôle de la méchante, de celle qui demanderait le divorce ; suffisamment pour voir qu’elle le poussait à bout pour qu’il craque le premier et pouvoir ainsi rejeter toute la faute d’un déséquilibre sociale de leur fils sur lui ; suffisamment grand pour voir qu’elle y arriverait, et qu’elle jubilerait parce qu’elle aura réussi à le briser. Il haïssait sa mère.

Mère.

Un bien grand mot pour cette femme. Cette génitrice plutôt. Caractérielle, matérialiste, castratrice, une main de fer dans un gant de titane. Elle n’avait que très rarement montré de l’affection à son égard, d’aussi loin que pouvait remonter ses souvenirs. En fait les moments où il s’était cru aimé, c’était ces moments où il avait reçu des cadeaux de sa part, mais avec le recul, ce n’était qu’une façon de l’acheter, d’acheter son silence fasse à ses frasques, ses actes qu’une mère, qu’une femme mariée ne devait accomplir. Ces sous-entendus, ces réactions incongrues, ses prétextes et ses raisons décousus, ses absences malvenues et sa présence déplacée.

Tout ça finirait mal, il le sentait, non, il l’avait toujours su. Et il avait compté sur son père, le seul adulte de la maison, pour se montrer raisonnable et faire cesser cette mascarade.

Un cri. Son cœur rata un battement. Ce n’était pas ça qui l’avait troublé. Les cris avaient toujours bercé la vie de la maisonnée. C’est juste que ce cri ressemblait trop à un appel à l’aide. Un signe de détresse d’une personne, qui, même s’il la détestait, était importante pour lui, importante dans sa vie ; comme il l’était dans la sienne.

Sans réfléchir plus, il bondit hors de sa chambre, dévala les escaliers et se retrouva devant un champ de bataille. Ça avait été plus violent que les autres fois. Son cœur battait la chamade, il avala la salive d’inquiétude, se fraya un chemin parmi la porcelaine cassée (comment pouvait-on casser ce qu’on avait soi-même acheté et défendu mordicus d’y toucher sans sa présence), les débris d’un vase baignant encore dans l’eau qu’il contenait, ses fleurs en guise d’oraison funèbre, enjamba une tringle de rideau et tomba nez à nez avec une scène qu’il redoutait. Il fronça les sourcils et sa bouche prit vie sans son consentement.

— Bordel, tu attends quoi pour partir ? commença-t-il d’une voix blanche et froide. De le tuer avant ? Tu as peur qu’il se raccroche à toi quand tu auras pris ta décision de le quitter.

Sa mère, que la vue du sang semblait avoir calmée, tourna brusquement son regard paniqué vers lui. Son père se tenait le bras droit, faisant un point de pression pour arrêter le saignement de son avant-bras. Lui, il criait de plus en plus, recrachant huit ans de colère contenue. C’est à l’âge de huit ans qu’il avait compris ce qu’était l’adultère. Il savait désormais se servir d’un dictionnaire. Et le Petit Robert avait été plus enclin que la majorité des gens à qui il avait demandé à le lui expliquer.

— Mais on s’en fiche que tu partes. Y a rien qui te retient ici, si c’est la maison on te la laisse !

Sa mère eut un reniflement de mépris. Elle ouvrit la bouche mais n’eut pas le temps d’aligner deux mots. Son fils le devança.

— TA GUEULE ! tu ne m’as jamais aimé, j’étais une gêne, la raison de ta courte carrière de mannequin, de ta vie rêvée. Tu crois que je ne le sais pas ça ?

Autant la devancer et le dire soi-même car il savait que si la formulation venait d’elle, il aurait plus de mal à encaisser et le digérer.

— Pourquoi tu es restée alors ? Pourquoi tu es encore là alors que ton ministre de mec n’attend que ça (sa mère ouvrit grand les yeux d’étonnement. Comme s’il ne savait pas ; elle le prenait vraiment pour un imbécile). C’est bon, tu lui as suffisamment fait de mal comme ça, ça te suffit pas ? Ou tu sais pas ce que tu veux ?

Il darda ses prunelles colériques et presque haineuses dans celui de son père. Ce dernier retint son souffle, la douleur de sa main n’était rien comparée à celle de son cœur.

— Pourquoi tu la laisses pas partir ; à cause de moi ? Pourquoi tu lui dis pas de se casser ? Mieux, pourquoi tu te casses pas, toi ?

— Rudy !

— Je ne suis PLUS un bébé, quand est-ce que tu vas le comprendre ! Je sais ce qui se passe depuis un bout de temps, et je parie mille que j’en sais même plus que toi. Alors c’est bon, si c’est ma bénédiction que tu attends je te l’accorde de TOUT mon cœur ! J’en ai plus qu’assez, au point que vous m’écœurez !

Il se retourna vers sa mère qui n’en revenait pas de tant de colère. Elle avait une impression de déjà-vu qui la fit basculer dans les flots de souvenirs enfouis en elle et à l’origine d’un grand ressentiment.

Oui, ce regard. Même s’il était vert au lieu de bleu. C’était celui d’un jeune homme de sa connaissance, qui, dix-sept ans plus tôt avait découvert le test de grossesse qu’elle avait oublié dans la salle de bain et qui avait tout comprit. La devançant dans ses projets d’avortement. Elle avait un physique de rêve, était mannequin, à ses débuts, et personne, pas même elle, ne s’en était rendu compte.

Un malaise l’avait mis sur la voie. Le doute avait persisté. Une copine l’avait convaincue d’acheter un test, plus vite elle saurait, plus vite elle limiterait les dégâts. Et le verdict était tombé : deux barres. Celui du médecin qu’elle avait consulté : cinq mois. L’incrédulité sur son visage n’avait pas disparu malgré l’explication, ou peut-être à cause de l’explication : déni de grossesse. L’enfant, enfin, la chose était certes petit pour son âge mais c’était bien un fœtus, et bien portant avec tout ça. Le père avait été catégorique se rangeant de l’avis du médecin (très vieille école en passant). Impossible d’avorter passé les trois mois et c’était son fils. Il le voulait, même s’il n’avait que seize ans.

Elle avait cru, à tort, que sortir avec un mignon de son âge, de sept ans son cadet malgré sa grande taille et son physique avenant, lui permettrait de diriger tout son saoul les rênes de leur couple. Mais elle avait eu tort, vraiment tort. Si le jeune homme s’était laissé faire, ce n’était qu’à cause de son immaturité. Seize ans, le mètre quatre-vingt-cinq (la même taille qu’elle), très blond, presque platine, capitaine de son équipe de foot-américain, terminal (senior year). Il avait tout pour lui, la stabilité financière grâce à ses parents, l’intelligence, la beauté et la plus belle nana. Ce n’était pas tous les jours qu’un lycéen sortait avec un mannequin. Elle, elle l’avait dans la peau.

Ses parents avaient été mis au courant. Il ne cachait rien à sa mère, au fait de sa relation mais qui avait décidé de fermer les yeux. C’était un enfant gâté. Son père, plus conservateur avait décidé que le bébé devait naitre, de toute façon, l’avortement était exclu. Mais c’était plus en guise de punition, pour son fils cadet, afin de le responsabiliser et pour cette femme qui avait dévergondé son fils, afin de briser sa carrière.

Oh, elle ne manquerait de rien. Monsieur Leblanc avait largement de quoi s’occuper d’un petit fils « non désiré » avec sa position de C.E.O d’une chaine multinationale d’hôtellerie.

Elle avait dû reprendre ses études, ne voulant pas dépendre financièrement de sa « belle famille » et par amour propre. Elle était restée avec le jeune homme, l’avait épousé. Elle avait vraiment Dean dans la peau, autant que ce dernier avait son fils dans la peau. Elle ne s’était jamais vraiment remise de sa dépression post-partum
*2. Elle détestait ce gamin. Qui n’avait rien prit d’elle, qui avait poussé le vice jusqu’à prendre les yeux verts de son grand-père.

Au fil du temps, elle avait fini par tous les détester.

Elle ne comptait pas. Ses efforts pour s’être hissée à son poste de journaliste n’étaient même pas reconnus. Sa belle-mère la regardait comme ce genre de femme qui couchait et usait de leur beauté pour arriver à leurs fins. Jalousie ? C’était une femme dont l’époux avait été imposé par ses parents dans un souci de servir les intérêts familiaux. La naissance de ses deux enfants avait mis fin à sa carrière, encouragé par cet homme : Vince Leblanc, qui estimait que sa place était à la maison. Sa belle-mère la détestait pour ce qu’elle était, parce qu’elle cristallisait tout ce qu’elle aurait voulu être.

Pour son beau-père, elle n’était que le ventre qui avait donné naissance à son petit-fils. Petit fils qu’il destinait déjà à un grand avenir. Il avait décidé de tout pour ce dernier, le baptême, le parrain et la marraine, la maternelle, les lieux de vacances, le primaire, jusqu’au jour où son père y avait mis un frein.

Un frein à tout. L’aide financière de son père, les contacts avec ce dernier qui dirigeait un peu trop sa vie, n’ayant pas réussi à le mettre à la tête d’une de ses succursales comme son aîné. Il avait coupé les ponts avec sa famille qui n’avait pas accepté ses prises de position et sa décision de vouloir diriger sa vie et élever son fils comme il l’entendait.

Ils étaient partis. Elle lui en avait voulu car il fallait qu’elle recommence tout. Qu’elle se refasse une place dans ce milieu élitiste, snob, et qui lui rappelait à chaque fois qu’elle avait été mannequin. A croire que les archives les intéressaient plus que l’actualité.

Il l’avait poussé à bout. Avec ses absences et son acharnement au travail, pour non pas se prouver à lui-même, mais à son père qu’il pouvait y arriver sans son aide. Même loin, ce dernier rythmait leur vie. Elle avait rencontré de temps en temps une épaule consolatrice, une âme avenante, une autre attentive et récemment, depuis trois ans, une âme-sœur, elle en était convaincue. Sa vie avec Dean, n’était que la conséquence d’une narcissique et stupide erreur de jeunesse.

Elle avait fini par tous les détester.

Elle avait fini par le blesser. Elle voulait le blesser, mais pas physiquement. Mais c’était de sa faute aussi, à ne pas réagir, ou à réagir comme un tampon, une éponge qui absorbe tout et ne renvoie rien, non, le pire c’est qu’il agissait aussi comme un miroir ; un miroir qui vous renvoyait votre laideur au visage. Elle ne s’était pas crue capable de telles extrémités. Elle l’avait trompé, lui avait menti, l’avait critiqué, rabaissé, rabroué, insulté, lui rappelant ses erreurs que son père s’était mis un point d’honneur à pointer du doigt, mais rien n’y faisait. Il pardonnait, « pardonnait » le salaud ! Pour qui il la prenait ? Là au moins, il avait des raisons plus tangibles, car elle voulait qu’il la déteste. Elle détestait le sentiment de culpabilité. S’il la haïssait, elle culpabiliserait moins.

Mais elle venait de réaliser qu’elle avait tout faux. Le seul moyen d’y arriver était de s’en prendre à lui. L’erreur de jeunesse, l’origine de tout ; lui, qui lui criait maintenant de partir, de disparaître de leur vie. Qui aurait cru que la décision viendrait de ce gamin, la réplique exacte, enfin presque (il était la réplique parfaite de son grand-père avec ses yeux), de son tampon de père.

Une voix la ramena à elle et un regard la foudroya. Elle y était parvenue, enfin. Mais pourquoi cette peur au lieu du soulagement tant attendu, ce sentiment d’effroi et d’urgence que, si elle voulait partir entière, il fallait qu’elle le fasse maintenant. Le regard meurtrier que lui lançait Dean, lui faisait l’effet d’un coup de poignard dans la poitrine. La vue du sang ne fit qu’agrandir la sensation de prémonition lugubre et elle se lança presque en courant vers la porte, ramassant son sac à main au passage pour disparaître. Il n’avait dit que trois mots.

— Vas t’en !

* * *
Dean s’adossa sur le mur. Soupira de lassitude et ferma les yeux. Le temps s’étira. Il ne savait plus combien de temps il était prostré là dans la cuisine. Un mouvement à la lisière de sa vision, un bruit (celui de tessons que l’on déplace) et une main sur son bras. Il ouvrit plus grand les yeux.

— Ça saigne toujours, il faut soigner.

Comme un pantin, il se laissa guider sur un tabouret près du bar et se laissa faire pendant toute la durée des soins.

Avec un torchon propre, son fils lui nettoya le bras, essuyant les filets de sang qui commençaient à sécher. Il tamponna la blessure, y plaqua une compresse imbibée de désinfectant et entoura le tout d’un bandage autoadhésif couleur peau. Il fallait reconnaitre que la mallette de secours était bien garnie vue la violence familiale routinière. La voix de son fils le sortit de sa léthargie.

— Je crois qu’une infirmière ferait ça mieux. Je vais en appeler une avec l’annuaire.

Il disparut dans le salon, tandis que son père regardait comme fasciné, la tâche sombre qui gagnait en circonférence sur le bandage.

— Elle arrive dans dix minutes.

Sans réfléchir, il se leva, prit la nuque de son fils de sa main bien portante, se pencha et colla son front au sien. Ils restèrent comme ça un moment. Yeux dans les yeux, turquoises dans émeraudes, turquoises brillantes, curieusement rehaussées par les larmes qui les baignaient tandis que les émeraudes devenaient floues à sa vision. Il ne faisait pas confiance à sa voix pour parler, mais il ne faisait pas non plus confiance à ses yeux – dont la vision était troublée par des larmes qui refusaient de couler – pour exprimer ce qu’il ressentait. Alors il alla puiser dans tout ce qui lui restait, tout ce que sa femme n’avait pas encore épuisé et lâcha :

— Pardon. Je suis tellement désolé !

Il y avait trop d’émotion dans cette voix pour que ce ne soit que de simples excuses. Elles étaient trop lourdes de sens, au point de peser sur sa voix et de la casser. Il renifla. Son fils resserra son étreinte.

C’était la première fois qu’il le voyait ainsi. Aux bords des larmes. Rudy ne savait pas ce qu’il ferait s’il se mettait vraiment à pleurer. Pour ne pas le voir, il nicha sa tête dans son cou, coupant ainsi le contact visuel, se laissant aller à une étreinte plus franche. C’était peut-être lâche de sa part mais il estimait qu’à son âge, ce n’était pas à lui de consoler son père. Il n’était même pas adulte, bon sang !

Dean le serra plus que de raison, à l’étouffer. Cette marque d’affection était devenue rare, très rare depuis l’entrée au lycée de son fils. Rudy, enfin Dean était très câlin, et il s’en voulait un peu d’avoir reporté son manque d’amour avec sa femme à son fils. Il était plus friand de marque d’affection que devait l’être le père moyen. Une séquelle de sa relation quasi-fusionnelle avec sa mère. Couper les ponts et l’éloignement progressif de sa femme l’avaient fait beaucoup de mal, l’enfonçant dans un sentiment de solitude. Il avait échappé à la dépression parce qu’il avait un fils. Un fils qui avait pris ses distances depuis deux ans. Mais il était le seul à blâmer pour ça.

— Je suis désolé.

— C’est bon, je ne t’en veux pas.

— Tu devrais.

— …Oui je devrais, répondit Rudy après un long silence. Mais tu t’en veux déjà tellement que ça ne changerait rien que je rajoute ma part.

Dean passa une main dans la crinière aussi blonde que la sienne de sa miniature. Rudy sut qu’il avait esquissé un sourire. Il inspira puis expira fortement.

— J’ai failli te haïr. Mais je dois avouer que si je ne t’en veux pas, je te déteste quand même.

Le sourire s’étiola, Rudy le sut à la tension musculaire qu’il ressentait. Il décida de prendre les choses en main. Son père n’était peut-être pas si adulte que ça en fin de compte. Il était peut-être grand temps qu’il grandisse, lui. Après tout, il aurait dix-huit dans exactement quinze mois, c’était peut-être normal que son père compte sur lui plus qu’avant. Et puis, il se fit la réflexion que peut-être que son père ne savait vraiment rien vu sa naïveté maladive. Que s’il lui avait dit tout ce qu’il savait plus tôt, peut-être que les évènements auraient pris une autre tournure. Il y avait trop de « peut-être » et puis ce n’était pas une incertitude, il était sûr que sa femme le lui avait elle-même dit avec sa façon de toujours balancer des piques en lieu et place de phrases. C’était à ce point incroyable de voir comment une journaliste n’avait aucune notion de « communication ».

— L’avantage quand on déteste quelqu’un, c’est que ça implique qu’on peut à nouveau l’aimer si les raisons de cette, disons, « aversion » disparaissent. Et elles ont disparu en claquant la porte.

— C’est de ma faute. Je ne devrais pas te faire détester ta mère. Je suis nul.

— Oui tu es nul.

Son père se tendit de plus bel. Et Rudy sourit de le voir autant affecté par ses paroles. Il savait qu’il ne le détesterait pas longtemps. Il lui ferait trop de peine.

— Tu es nul si tu continues à te morfondre de la sorte. Il va falloir que tu fasses table rase de tout ça. Je n’aime pas ma mère, elle me le rend bien. Elle ne m’a jamais aimé et tu ne me convaincras pas du contraire. C’est triste à dire, mais ça existe ce genre de situation, partout ailleurs.

— Rudy…

— Laisse-moi finir.

— Ok.

— Tu n’aimes pas maman… Hum, non, tu ne l’aime plus comme avant parce que mine de rien, tu lui en veux quand même de nous faire subir ça. Je me trompe ?

— Euh…

— Je vais prendre ça pour un non. Mais, si tu veux qu’elle arrête, laisse-là partir. Ça ne m’affectera pas, du moins pas en mal. Et peut-être que c’est ce qu’elle veut. Vous n’avez jamais pris le temps de discuter VRAIMENT sans dérobades, de ta part souvent, j’ai remarqué.

Il fit une pose, attendant sûrement une réaction. Elle finit par arriver avec réticence.

— Ok. On va divorcer. Je vais entamer les procédures.

— Je parie mille qu’il suffit que tu lui en parles pour qu’elle te sorte les papiers déjà signés de sa part et en deux exemplaires.

— Pourquoi tu… ?

— Parce que, le coupa-t-il sans même savoir de quoi son père voulait parler. Je sais comment elle est, point. Ah oui, autre chose. Faites-le dans un café, ou un restaurant, ou même à son travail tiens. Tu passes la voir à un moment où tu estimes qu’elle est en pose, j’appellerais pour m’en assurer. Elle sera tellement surprise qu’elle ne se méfiera pas. Je te fais signe et toi tu passes.

— Mais pourquoi ?

— Parce que vous connaissant, si on vous laisse seul, ça n’aboutira jamais. Devant un potentiel public vous serez obligés de parler ou de vous gueuler dessus en chuchotant. Ça devrait être comique.

— Ça t’amuse ?

— Non, ça NE m’amuse PLUS de vous entendre et de vous voir vous entre-déchirer. Ma santé mentale a besoin de ce divorce.

Dean était abasourdi par ce discours. Il desserra son étreinte et fixa son fils dans les yeux. Il avait l’impression de voir un Vince Leblanc miniature négociant un marché. Plus sérieux que le mot. Son fils ne plaisantait pas.

— Ok, je le ferais.

— Parfait.

La sonnerie de l’entrée mit fin à la discussion pour le moins insolite entre un fils et son père.

— Ça doit être l’infirmière, va falloir s’excuser pour le bordel.

Le père se contenta de se gratter la tête avec une grimace contrite tandis que le fils regardait où il posait les pieds pour aller ouvrir. La terrasse ferait aussi très bien l’affaire, il faisait encore assez jour dehors en cette heure tardive du mois d’avril.

* * *


TBC.

*1 en français dans le texte.

*2:(ou post-natale) concerne la nouvelle mère. La dépression
post-partum (DPP) est la plus fréquente des complications du post-partum. 15% des cas, les symptômes sont plus intenses que pour le "baby blues"


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HOT CHILI Empty
MessageSujet: HOT CHILI CHAPTER 2   HOT CHILI Icon_minitimeMer 1 Juin - 4:26

Notes: j'ai oublié de préciser que l'histoire se passe dans un pays
je dirais, à tendance anglophone (par exemple, le système éducatif. Mais
Exclamation j'ai décidé dans ma fic que les sections littéraires, scientifiques et économiques existeraient dans ce
système plutôt anglo-saxon (I'm kami-sama, Ahem, sorry!) Il se pourrait que je garde les mots tels quels si je ne trouve pas leur équivalent
in french...
HOT CHILI 405541 D'un autre côté, ayant plutôt vécu du côté francophone de la
force, il se pourrait que mon histoire se déroule dans un Etat aux valeurs
mixtes, parce que je maîtrise mieux le sujet. (un medley anglo-franco quoi,
brefouille,
je ne le redirais pas assez: c'est une fiction et je suis une kami-sama queen )




HOT CHILI
CHAPTER 2

— Alors, on a pleuré toute la nuit ? Mamounette chérie ne rentrera plus ? Elle doit te manquer.

Comment qualifier ça ? Un cauchemar, un manque de pot, un bad trip ? Y avait-il seulement un nom pour désigner ce genre de situation ? Un scénario d’une série B façon soap opéra, où le fils de la femme qui trompait son mari devait se retrouver dans le même lycée que celui de l’amant ? Ou encore, l’acharnement du sort sur la vie de Rudy Leblanc ? Ou bien Timothy Medley, décédé des suites d’une agression…

Il se contenta de l’ignorer. Après tout, qu’est-ce qu’il avait à faire avec un Junior year (première) Scientifique alors qu’il était en section Littéraire. il fendit la cour en deux, Timothy et sa bande de copain continuant de le chambrer malgré sa sourde oreille.

— C’était quoi le souci ? Ton père avait besoin qu’on lui prenne la main dans la vie de tous les jours ? Il a appris comment traverser la rue tout seul comme un grand et a soudainement eu l’illumination qu’il n’avait plus besoin de ta mère ?

Là c’était la phrase de trop. Il savait qu’il avait peu de chances mais tant pis pour lui. Timothy était costaud, ce qui devenait évident quand on découvrait qu’il était dans l’équipe de basket du lycée. Lui et son mètre soixante-treize qu’il avait sûrement hérité de sa grand-mère (il tenait plus de ses grands-parents que de ses parents, ayant largement dépassé le mètre quatre-vingts.) faisaient office de poids plume à côté. Mais ça n’était pas assez pour empêcher son poing de goûter les pommettes mâtes de l’hurluberlu qui venait d’insulter son père.

Il prit son élan après un arrêt tout en pivotant de façon brève et rapide, il n’avait jamais pensé que ses réflexes de tennis et ses accélérations sur de courtes distances lui serviraient un jour à mettre une beigne dans le visage de quelqu’un. Et que ça marcherait.


Timothy se retrouva à terre, cracha du sang avec incrédulité, se remit sur pied d’un bond et tacla Rudy qui avait amorcé un retrait. Il se jeta à califourchon sur lui, profitant de son avantage, l’entravant de ses deux jambes et le rouant de coups. Un cri retentit. Des filles regardaient la scène, les mains plaquées sur la bouche. Le pion alerté, eut du mal à se frayer un chemin dans la masse spectatrice qui s’était formée.


Rudy entendait du bruit, des cris d’horreur, de moquerie et d’autre chose. Il voyait flou et n’était qu’une pelote de douleur tout entier. Quelqu’un réussit à les séparer. Il avait un gout métallique dans la bouche, sentait qu’il ne verrait plus aussi bien de son œil gauche pendant un moment et de ses avant-bras – qui lui avaient servi de protection dérisoire – sourdait une douleur désagréable, engourdissant ses muscles.


Une poigne le remit sur pied sans ménagement, l’autre main du pion était chargée de maintenir éloigné de lui un Timothy en rage, gueulant toutes les insultes de son répertoire. Rudy, ne manqua pas l’occasion. Il profita du fait que ce dernier demandait plus de force au pion et se déroba. Se servant du pion comme d’un bouclier temporaire, il assena un coup qui ferait honneur au catch américain à son adversaire. Un coup dit de la « corde à linge » avec son bras. Le but était d’atteindre la gorge, tant pis pour les conséquences, mais la réalité étant ce qu’elle est, le bras n’atteignit que le thorax de l’autre qui encaissa assez bien le coup, tout en reculant d’un pas. Mais s’il y avait une chose que Timothy apprit ce jour-là, c’est que les dérobades de Rudy n’étaient pas dû à la peur ou à de la lâcheté. Le lilliputien revenait à la charge. De ses deux mains, il avait attrapé le cou du basketteur l’avait forcé à se plier de toutes ses forces, malgré le pion qui le tirait en arrière et lui avait assené un coup de genou très franc dans les parties. L’amour propre de Timothy était la seule raison pour que le combat ne se solde pas par une victoire par K.O.


Il était toujours sur pied, bien qu’en position fœtal et mobilisait toute son énergie pour la déverser sur Rudy, mais les renforts rappliquèrent et le pion fut aidé des profs pour conduire les fauteurs de troubles dans le bureau du directeur.


— Vos parents vont être convoqués sur le champ, monsieur Leblanc.


Rudy regarda par la fenêtre. Il se fustigeait d’avoir réagi à cette pique ridicule, maintenant qu’il y pensait. Mais il estimait que Timothy, n’avait pas le droit d’avoir voix au chapitre dans cette affaire. Et puis si tout le monde était laxiste avec cet abruti sous-couvert de la notoriété du lycée, sa jauge de tolérance à lui était pleine. Le directeur avait ses intérêts à perdre si le fils du ministre de la culture et de la communication était traité durement ou d’une façon dont il aurait eu à se plaindre auprès de son père. Mais pas lui. Cet idiot était allé trop loin.


Seulement voilà. Son père allait être convoqué. Ses épaules s’affaissèrent à cette perspective, il fit mine de s’intéresser à l’avis du directeur puis, de but en blanc, lança, pour lui couper la parole et l’arrêter dans sa diatribe moralisatrice sûrement.


— Appelez mon père. C’est lui qui aura ma garde exclusive de toute façon. Mes parents sont en pleine procédure de divorce. Ma mère ne viendra pas.


Pour le coup, le directeur resta effectivement bouche-bée. Rudy regarda sa montre.


— J’ai cours. A moins que j’écope d’un renvoie temporaire. Mais réfléchissez bien. C’est Timothy qui m’a provoqué en premier, même si je sais qu’il s’en tirera sans blâme. Il n’avait pas le droit d’insulter mon père parce que son père se tape ma mère.


Il avait décidé d’être grossier, jouant sur le scandale que cela entrainerait si jamais, le directeur accordait à cette escarmouche selon lui, plus d’importance qu’elle n’avait.


Le directeur eut le souffle coupé, ne put riposter. Se força à se calmer face au regard dur de l’élève dont l’expression lui faisait clairement comprendre que cela allait au-delà de ses intérêts personnels.


— Bien, retournez en cours et dites à monsieur Medley d’entrer. Votre père sera néanmoins convoqué.


Rudy disparut du bureau, ignora le garçon qui attendait, les yeux rougis par la douleur et une pommette marquée d’un bleu. Il ne voulut pas penser à l’état dans lequel il se trouvait lui-même et alla en cours. Il s’arrêta toute fois en chemin pour appeler son père et lui annoncer lui-même la mauvaise nouvelle. Il balaya le « tu veux que je vienne te chercher » par un « je vais très bien, je finis à quinze heure de toute façon » et reprit le fil de sa journée. C’était la première fois de sa vie qu’il se battait. Il n’avait pas à craindre des remontrances, surtout de son père, et il ne s’en sortait pas trop mal.


* * *


Ça faisait un mois que sa mère avait quitté la maison, trois semaines que les procédures de divorce étaient en cours, deux semaines qu’il s’était battu avec Timothy et quinze minute qu’il attendait son père pour la réunion qui rassemblerait celui-ci, celui de Timothy, le directeur et leurs professeurs principaux respectifs et eux deux dans un bureau. Le père de Timothy était en déplacement. Quelqu’un d’autre devait venir et cette personne aurait du retard d’après Timothy.


Dean arriva, la mine contrariée.


— Ça va ?


— Elle me gonfle !


Il se contenta de remuer la tête et de sourire à son père.


— Elle veut quoi cette fois-ci ?


— Je ne devrais pas t’en parler.


— Si tu me sors le « ça ne te concerne pas» habituel, je me fâche et te pourris le diner !


Le père fronça les sourcils. Il ne se faisait vraiment pas confiance pour faire son diner soi-même.


— Bon Ok, elle insiste sur des choses insignifiantes et veut échapper au divorce pour faute ou altération du lien conjugal.


— Bah, elle veut divorcer elle aussi non ?


— Justement. Mais je n’ai pas l’intention de la laisser s’en tirer à si bon compte.


— Ecoute papa. Pourquoi ne pas faire un truc par consentement mutuel ? De un, vous êtes d’accord tous les deux, de deux, elle ne pourra qu’accepter sans chipoter vu que c’est la procédure la plus rapide, de trois, ça évitera peut-être un scandale vu celui qu’elle fréquente et de quatre, ça m’évitera de supporter ta mauvaise humeur, même si elle est légitime.


— Tu fais chier ! c’est pas de ton âge de parler de la sorte.


Il prit néanmoins son téléphone et appuya longuement sur la touche « 2 ». Sonia Leblanc, bientôt Sonia Thompson de nouveau, répondit avec une mauvaise humeur évidente.


— Quoi, fais vite parce que j’ai un truc à faire là et je suis déjà en retard…


— Ça ne prendra même pas une minute. Je te propose le consentement mutuel. C’est plus rapide et ça évite le scandale. Pense à un certain ministre.


— Je t’interdis de me…


— Et ça nous libère tous les deux, je suis prêt à te laisser tout ce qui te revient de droit. Ne demande pas de compensation parce que les preuves ne seront pas en ta faveur. Y a adultère de ton côté et au risque de me répéter, pense à un certain ministre. Bien, je te laisse j’ai un fils aux dernières nouvelles et j’ai un rendez-vous à son lycée.


— Comme si je ne savais pas ce que…


Il lui raccrocha au nez avec un sourire de satisfaction. Il n’aurait jamais pensé que cet amant qu’il détestait par-dessus tout servirait si bien ses plans. De son côté Sonia regarda son téléphone incrédule. Il lui avait raccroché au nez ? Soit, ils se verraient de toutes les façons dans trois jours et elle lui ferait comprendre qu’elle n’appréciait pas.


Consentement mutuel, ce n’ait pas une mauvaise idée, plus vite ce sera fait plus vite elle serait avec Marc. En parlant de Marc, il était suicidaire de l’envoyer à sa place pour régler un problème de son fils. Certes il fallait juste qu’un adulte y soit et même s’il avait tout réglé avec le directeur au téléphone, ça ne se faisait pas d’envoyer sa maîtresse pour ce genre de chose. L’argument qui l’avait convaincu, c’était qu’il fallait qu’elle s’habitue à le faire car ce serait bientôt légitime. Et puis, Timothy l’aimait bien, du moment qu’elle réussissait à temporiser avec son père, elle ne l’aurait que plus encore à la bonne.


* * *


Qui avait dit que les scénars à deux sous de soap opéra étaient tirés par les cheveux. Pourquoi s’étonnait-il ? Sa mère n’avait jamais participé à sa vie d’écolier, pas étonnant qu’elle ne sache même pas que c’était son lycée. Elle avait osé lui poser la question – « Qu’est-ce que tu fais dans ce lycée ?» – alors qu’il sortait des toilettes. Le regard de Timothy avec qui elle discutait était sans prix. Il réalisa que son cauchemar ne faisait peut-être que commencer. Inutile de répondre à la question qui lui vrilla les méninges dès qu’il l’aperçut, à savoir : « Mais pourquoi elle était là ? »



— Je rêve !

— Non p’pa. Bienvenu dans ma réalité.


Son père le dévisagea, incrédule. Il n’en revenait toujours pas d’avoir aperçu son ex-femme de loin et encore moins de la raison de sa présence. Elle avait quelque chose à faire qu’elle avait dit. Rudy lui avait expliqué que lui seul serait convoqué, à sa demande. Il avait été loin de se douter que son fils vivait ce genre de chose.


— Tu crois que je me bats sans raison, fit Rudy, agacé par la mine de son père.


— Bien sûr que non, et baisse d’un ton. Pourquoi à ton avis je n’ai pas cherché à en savoir les raisons, parce que j’estimais que tu en avais une bonne et je te fais confiance. Mais là tu dois me reconnaitre le bénéfice du doute. Qu’est ce qui me prouve que tu as réagi en toute objectivité.


— Objectivité (ce mot sonnait tellement faux quand c’était son père qui le prononçait). Parce que ce connard de Timothy t’a traité d’incapable sans ma mère, ce qui explique la raison du divorce si tardif malgré la liaison ouverte de quatre ans entre ma mère et son père.


Il regretta tout de suite ses paroles. Il l’avait blessé. Son père était encore persuadé qu’il ne savait pas grand-chose à propos des raisons de son divorce.


— Si tu as envie de lui démonter le portrait à cet instant, ne me reproche pas de l’avoir fait.


Son père se contenta de sourire. Un sourire qu’il n’avait jamais vu, assez effrayant quand il y repensa.


— Viens fils, on va éviter de les faire attendre, ces chers professeurs.


* * *


— Bonjour Sonia, tu es venue prendre des nouvelles de ton fils ? Il ne fallait pas te donner cette peine. La maison est pourtant bien plus proche de ton lieu de travail que le lycée. Tu n’as tout de même pas oublié l’itinéraire en à peine un mois, rassure moi ?


— Papa.


Rudy tira sur sa manche de façon discrète. Sonia vira au rouge-tomate, pas de gêne, de colère. Dean ne se formalisa d’aucune des deux réactions.


— J’ai été le seul convoqué. J’avoue que je m’apprêtais à discuter avec le père de celui qui s’est battu avec mon fils. Pas avec sa mère.


C’est Timothy qui réagit cette fois-ci. Il darda ses prunelles noires de colère dans les yeux de Dean qui le dévisagea avec un sourire sans se démonter. Rudy était prêt à parier que si l’adolescent n’était pas métis, il aurait la même couleur que sa mère, enfin, sa mère à lui, Sonia. Mais c’était assez insolite de voir son père, bien que faiblement moins grand que le basketteur, dévisager un écolier. Et à juste titre. Dean faisait partie de ces hommes qui ne faisaient pas leur âge. Et sa ressemblance frappante avec son fils, le faisait passer pour son grand frère le plus souvent. Sonia avait toujours eu la désagréable impression d’avoir une sorte de faire-valoir mignon pour mari, ex-mari, même si elle avait joué de ça à une époque. Et Timothy se laissait berner. Il avait affaire à un parent d’élève là, pas un camarade. S’il avait évité une sanction lourde grâce à son père cette fois, il n’y échapperait pas s’il agissait de façon inconvenante.


— Ne réagit pas Timothy. On répond aux imbéciles par le silence, siffla Sonia.


— C’est vrai, le silence est d’or à ce qu’il parait, et la parole d’argent. Ta réaction ne m’étonne même pas. Fais ce que je dis et non ce que je fais. Tu as toujours aimé dicter aux autres leur conduite. Et l’argent aussi.


Rudy se pétrifia devant cette facette de son père. Un homme froid, calculateur et volontairement mauvais. Sonia n’avait plus le « tampon » en face de lui. L’altercation visuelle fut rompue par une voix acide.


— Tu n’es pas ma mère alors ne me fait pas la morale. Que ce soit bien clair. Tu ne la remplaceras jamais même si elle est morte.


Rudy reçut un coup au cœur. La situation se gâtait. Son père se contenta de lever un sourcil, seule réaction face à sa remarque de plus en plus déplacée concernant feu la mère du lycéen.


— Je n’en ai pas l’intention Timothy, réplica Sonia d’une voix étonnamment douce; et on le sait tous les deux. Il n’y a que les perdants qui lancent des piques aussi inconsidérées ; s’en prendre à un gosse pour...


— On ne s’en prend pas au mien impunément Sonia. Même pas toi (il ressemblait trop à un certain Vince Leblanc quand il prenait cette voix calme et tranchante à la fois. Sonia fut parcouru d’un frisson au souvenir de l’homme qui serait bientôt son ex-beau-père). Et toi.


Il darda ses prunelles dans ceux de Timothy et Rudy jura que si des rayons lasers pouvaient en sortir, il les verrait. Il jubila néanmoins face au mouvement de recul de l’autre.


— La prochaine fois que j’apprends que t’as eu une interaction avec mon fils, va voir dans le dico, je te fais regretter personnellement le jour où vos vies se sont croisées. Prend-le pour une menace, parce que ç’en est bien une.


Timothy avala sa salive, se demandant si ça n’avait pas été bruyant, il lança un regard accusateur à Sonia. Celle-ci s’offusqua des propos de Dean et commença une histoire de plainte et de justice quand elle fut coupé dans son élan par un Dean vindicatif qui se demanda à voix haute si au gouvernement l’adultère était une mœurs courante. La poignée du sac de Sonia n’apprécierait pas à ce rythme.

Rudy, lui, cherchait le moyen de tirer sur la poignée d’alarme, parce que franchement, le linge sale, même s’il se lavait en famille et qu’ils étaient en famille (il ne doutait pas que Timothy serait bientôt son demi-frère par alliance, vu la présence de sa mère en ces lieux pour défendre sa cause), ça ne se faisait décemment pas au lycée !

— Messieurs dames ?


Jamais il n’avait été content d’entendre la voix du directeur. Il n’y croyait pas lui-même.


* * *


Dean lança un énième regard à son fils, s’amusa une énième fois de son désarroi et de son hésitation, puis décida enfin de l’aider à se soulager.


— Vas-y, pose ta question.


— Quelle question ?


— Celle que tu brûles d’envie de me poser mais que tu n’oses pas parce que tu as peur de ma réaction. Tu sais pourtant que tu ne devrais pas.


— Tu crois qu’ils ont su que c’était maman ?


Dean s’était attendu à autre chose.


— Hum, non. Elle a toujours été absente dans ta vie scolaire. Et elle s’est présentée avec son nom de jeune fille. Je ne crois pas qu’ils aient fait le lien.


— Ben le directeur, je lui ai clairement fait comprendre que… enfin que le père de Timothy et…


— Ta mère, avaient une liaison ?


— Oui. (Il se garda de donner des précisions sur le style de langage employé)


— Eh bien, ce n’est plus mon problème si tu veux savoir. Maintenant au moins une personne autre que les proches des concernés sait que le ministre de la com entretenait une relation hors mariage. Mais bon, il s’en tirera à bon compte si le scandale éclate. Il n’est pas marié lui, il est veuf. Ta mère a gardé son nom de jeune fille pour son boulot, à croire qu’elle avait tout calculé, et très peu de personnes la savaient mariée alors…


— On mange quoi ce soir ? Faut qu’on aille faire les courses y a plus rien dans le frigo.


Son père sourit face à ce changement brusque de sujet.


— J’ai la flemme. On ne peut pas commander ? On fera les courses demain. C’est le week-end.


Rudy se contenta de lever les yeux au ciel. Qui était l’enfant dans cette histoire ?


— Indien.


— Japonais.


— Bon les deux, mais te plains pas si le service japonais arrive trop tard.


— C’est nul, tu commandes tout le temps indien parce que y’en a un pas loin de la maison, fit Rudy qui en avait marre de se faire narguer par son père à chaque fois que sa commande mettait plus de temps pour arriver.


— Parce que c’est bon aussi !


— Beurk.


— Homme de peu de goût !


— Partisan du moindre effort.


— En parlant de ça, tes examens, ils sont pour bientôt non ? Ton prof m’a parlé de crédits insuffisants.


— Il ne m’en manque qu’un pour mon grade c’est tout, fit Rudy, presque bougon.


— Tu prendras des cours en été alors.


— Hey, c’est pas juste. Je vais le rattraper rapidement de toute façon.


— Là n’est pas la question et j’y compte bien. Mais il n’est pas question que ce genre de chose se produise pour ton diplôme l’année prochaine. Et tes chances d’entrer à l’université dépendent de tes notes au cours de cette année. Alors que tu le veuille ou non, tu n’y couperas pas.


Rudy marmonna un « pourquoi y a que dans ces moments-là que tu joues les pères modèles »


— Pardon ?


— J’ai dit oui.


— Alors fais pas cette tête, fit son père en lui ébouriffant les cheveux.


— Je suis plus un bébé, tenta de se dérober l’adolescent.


— Alors arrête avec cette moue. Tes lèvres son particulièrement retroussées quand tu boudes, tu me rappelles…


Il ne termina pas sa phrase, retint un soupir et se reconcentra sur la route.


— Qui ?


— Non, rien. Oublie.


— Oncle Danny. Tu sais s’il va bien ?


— Pourquoi tu me demandes ça ?


— C’est ton frère, lâcha Rudy agacé.


— C’est ton oncle, rétorqua son père un ton au-dessus. Y a son numéro dans le répertoire.


— Ok oublie, t’énerves pas. Je ne voulais pas t’énerver.


Il n’aimait pas la distance qu’avait mise son père avec sa famille. Maintenant, il avait plus que besoin d’eux avec son divorce, mais il voyait le tableau d’ici. Oncle Danny qui assènera un :


« Je te l’avais bien dit, elle était matérialiste et n’en avait que pour l’argent. »


Sa grand-mère enchainerait :

« D’ailleurs je suis surprise qu’elle soit restée si longtemps, après que tu ais refusé l’aide bienvenue de ton père, mais bon cela ne compte pas vu qu’elle te trompait tout ce temps »

Son grand-père conclurait :

« C’était de la mauvaise graine, et elle t’en a fait devenir un. Quand je pense que mon petit-fils grandit dans ces conditions… »

Il claqua le clap cinématographique avec un grand « COUPEZ » et regarda son père avec un sourire triste. Il avait dû subir ça pendant vingt-quatre ans, ensuite sa femme avait pris le relais pendant huit ans, le trompant ouvertement pendant les quatre dernières années.


— Tu as le droit d’être heureux tu sais.


— Pourquoi tu me dis ça, lança le père, interdit.


— Parce que j’en ai pas l’impression des fois.


— Désolé si je t’en ai laissé l’impression (il répondit d’une petite voix, se racla la gorge et reprit plus clairement). Mais promis. Ça ne se reproduira plus, tu as ma parole. Et puis arrête de balancer des paroles comme ça. Moi à ton âge, je jouais au foot et je me pavanais avec une canon. J’étais le roi du monde, enfin, du lycée. Vis ton âge, gamin.


Il se gara sur ces paroles et quitta le véhicule. Rudy se contenta de sourire. Son père ne savait pas mentir. A son âge, il avait un gosse sur les bras et une tonne de responsabilités parentales, mais bon, il n’allait pas casser ce passé idyllique auquel s’était un peu trop raccroché son père.


— Tu veux que je te présente ma copine ? lâcha-t-il en s’affalant devant la télé après avoir fait un tour dans sa chambre.


Son père suspendit son geste vers le téléphone et fronça les sourcils d’inquiétude.


— Tu te protèges hein ?


— Je me protègerais le moment venu.


Il se retint à grand peine de rire devant la tête et le grognement de son père qui réalisa qu’il le menait en bateau. Les filles de son lycée étaient trop nunuches. Peut-être aurait-il plus de chance lors de sa classe d’été. Il fallait voir le bon côté des choses.


— Pourquoi suis-je aussi crédule, je le saurais, si tu avais une tête d’amoureux.


— Pff.


* * *


TBC.
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MessageSujet: Re: HOT CHILI   HOT CHILI Icon_minitimeMer 1 Juin - 21:32

J'ai pas fini, c'est super long! ko
En tout cas, une chose est sûre, t'as l'écriture dans la peau! J'ai l'impression que ça coule tout seul. Tellement que je me sens envahie par un flot monumental d'informations, de personnages, de situations etc. Et je dirais pas que je m'y perds, mais presque.
Je finirais plus tard. En plus j'ai été coupée au milieu de ma lecture par une visite, enfin bref. Le milieu du début, où on en apprend plus sur les membres du groupe et leurs caractères, ça m'a quand même bien aidée.
Voilà, c'est un poil décousu, pas grave! Faut dire que j'suis scotchée par tant de verve et d'imagination! bravo bravo bravo
@ vite!
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HOT CHILI
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